samedi 4 mars 2017

Matthias Schoenaerts en héros romantique: Loin de la foule déchaînée.



Ces derniers temps le net abonde en "Matthias-mania" et en " Schoenaerts- craze". Chaque jour vous trouverez sur YouTube une douzaine d'interviews en hollandais, anglais ou francais où, de New York à Cannes, de talk-show en plateaux de tournage il analyse ses rôles ou raconte sa vie et où des stars Oscarisees ( ou presque) telles Kate Winslet,Marion Cotillard ou Carey Mulligan disent leur bonheur d'avoir tourné avec lui. Schoenaerts est, de toute évidence, devenu une étoile montante dans le firmament du cinéma mondiale. Et ceux d'entre- vous qui ont pu voir " Loin de la foule déchaînée",sorti sur les écrans en 2015, se diront que le jeune acteur belge ( flamand) le mérite bien. C'est avec ce film que Matthias Schoenaerts, qui s'est fait connaître dans Bullhead, De rouille et d'os, ou Maryland, tous empreints d'action et de langage violents,démontre, en passant dans un tout autre registre, l'étendue et la  richesse de ses capacités d'acteur.

" Loin de la foule déchaînée" ( Far from the Madding Crowd) est le titre d'un petit bijou de la littérature anglaise du 19- eme siècle, écrit par Thomas Hardy en 1874. C'est l'exemple classique de ce qu'on a appelé un roman pastoral ( certains disent même " une romance pastorale" : l'amour entre un berger et une bergère dans une campagne paisible et idyllique...).Cependant, même si l'histoire de Bathsheba Everdene et ses trois amoureux se situe dans le paysage merveilleusement calme et champêtre de ce que Hardy a appelé le Wessex, une région qui sert de cadre à plusieurs de ses romans, ( en réalité le Dorset dans le sud- ouest de l'Angletrre), certains aspects de "Loin  de la foule déchaînee" ne sont ni archaïques , ni paisibles, ni angéliques mais sont, au contraire, d'une étonnante modernité voire d'actualité. Ce qui fait la popularité de ce roman encore 140 ans après sa publication. Et qui a motivé les scénaristes et les réalisateurs du 20eme  siècle ( la version 1967 de John Schlesinger) et du 21-eme siècle ( notre version de 2015 réalisé par  le Danois Thomas Vinterberg) d'en faire deux très belles adaptations cinématographiques.

Les trois versions , le roman, le film de 1967 et la version 2015, toutes dignes d'intérêt, différent sur plusieurs points, le plus important étant la caractérisation et,surtout ,l'importance accordée à un des personnages,  Gabriel Oak, le berger devenu régisseur d'un domaine agricole. Le rôle que joue Matthias Schoenaerts.

Bathsheba Everdene, fermière qui hérite un grand domaine agricole est aimée , courtisée et demandée en mariage par trois hommes. Le fidèle, honnête, presqu'angélique Gabriel, le beau sergent Troy, conquérant , aventurier et théâtral, et  finalement le Gentleman Farmer  Bolwood ,  qui par son amour obsessionnel pour Bathsheba perd la raison et commet un crime. Dans la version 1967, Bathsheba Everdene est interprétée par la belle Julie Christie, Gabriel Oak par Alan Bates, Sergeant Troy par l'icône des Sixties, Terence Stamp et Bolwood par Peter Finch. Cette première adaptation très fidèle du roman, très belle, (égale en beauté à la version 2015) est peu connue par la jeune generation, qui a souvent oublié les acteurs, stars célèbres à l'epoque. Mais même si les jeunes visionnent cette ancienne.version  et admirent certains de ses aspects , notamment le jeu superbe de Terrence Stamp qui n'a pas vieilli d'un iota, ils seront déçus par le personnage joué par Alan Bâtes: Gabriel Oak, , une des grandes figures de la littérature romantique....Dieu sait si Sir Alan Bates était un bon acteur ( Zorba le grec!!Georgie Girl! An Englishman Abroad, et combien d’autres rôles merveilleusement joués!) mais son Gabriel Oak est aujourd'hui complètement dépassé. Plus du tout conforme à ce que les nouvelles générations considèrent comme héros romantique . Bref,dans ce rôle, Alan Bates n'est pas Sexy. Son personnage est totalement inapte de  " dompter" une femme indépendante et forte  comme Bathsheba Everdene.( a titre de comparaison, voir sur YouTube «  Bathsheba and Troy at
Maiden Cast », une scène de conquête amoureuse a l’aide d’un sabre, l’amour étant assimilé à une attaque de la cavalerie...Voir aussi le jeux superbe de Terence Stamp dans la scène «  OneMorning in May « , également sur YouTube.Ce sont dès veritable morceaux d’anthologie cinématographique!)

C'´est à ce défaut de l'ancienne version que le scénariste  David Nicholls a brillamment remédié en
2015, en taillant un rôle sur mesure pour Matthia Scoenarerts et en faisant de Gabriel Oak la figure masculine centrale du récit. Le Gabriel de Schoenaerts est amoureux, mais il n'est pas servile. Il est honnête, fidèle, droit, intelligent ,sensible. A la fois pudique et fier. Son personnage est éminemment attachant. Bathsheba ( Carey Mulligan, superbe!) lui fait mal mais n'arrive jamais à le  manipuler ou le soumettre.  Si dans la version  1967 Gabriel ou le Gentleman Farmer Bolwood n'arrivent jamais totalement éclipser la figure de l'aventurier Sergeant Troy, dans la version de 2015 Gabriel est celui avec qui Bathseba a la relation la plus proche, la plus naturelle, la plus organique, et dans ce sens , la plus crédible.Et aussi la plus adaptée à notre modernité. Si Bathsheba fait mine de ne pas l'aimer ( tout en prenant son amour à lui pour une chose totalement acquise,permanente et éternelle ) , c'est vers lui qu'elle court à chaque difficulté. Et c'est seulement quand il est vraiment prêt à la quitter,qu'elle se rend compte que l'amour de Gabriel constituait  la chose la plus importante de sa vie: son armature, son refuge. D'où la très belle fin, en apothéose, qui, de manière compréhensible,  va enrager la critique féministe!

Rendre une telle relation et , surtout, une telle fin totalement crédibles face à une figure emblématique  de la littérature victorienne comme Bathseba  Everdene (et surtout face à une interprétation brillante et subtile comme celle de Carey Mulligan !)  est tout le mérite de Matthias Schoenaerts. Avec des gestes mesurés , peu de mots et son visage, ses yeux toujours  si expressifs ,il colle complètement  au rôle.Son jeu  est plein de force et de dignité tranquille, très viril, mais sans une trace de la violence qui caractérise certains de ses rôles précédents . Bref, il y a dans ce film tout pour rendre Schoenaerts encore plus populaire. Et lui ouvrir d'horizons de plus en plus larges.

Espérons qu'il saura éviter les pièges de la jungle hollywoodienne!!


Elisheva Guggenheim -Mohosh


Prochain article: Ces européens que Hollywood  nous envie!

samedi 21 juin 2014

Série de six articles sur la guerre de Corée:avis!

Chers amis, vous trouverez la  première partie  de cette série placée en fin de série,
APRES la sixième partie!Mille excuses.

Je vous recommande la lecture de ces articles consacrés au conflit qui a devasté la péninsule coréenne entre 1950 et 1953, pour  essayer de mettre les relations actuelles entre  les deux Corées  dans une perspective historique, celle de la Guerre froide. La Guerre de Corée fut la première " Guerre Onusienne" ! Par moments elle a failli dégénérer en  une Troisième Guerre Mondiale. Elle servait aussi d'arrière plan à la fameuse confrontation ( psychodrame?) entre le Président des États Unis , Harry Truman et son  bouillant général, Commandant des Forces Onusiennes, Douglas MacArthur!

Vos questions et vos commentaires sont les bienvenus!

D'autre part je vous invite de visiter mon autre blog: Les commérages historiques
d'Elisheva Guggenheim,.commerageshistoriques.blogspot.com
Des articles, essentiellement consacrés aux dynasties Tudor et Stuart.

Elisheva Guggenheim-Mohosh

La guerre de Corée, deuxième partie: une simple opération de police?






Au début de l’année 1950, la philosophie politico-militaire des Etats-Unis a été résumée dans un document qui est resté dans l’Histoire comme « NSC-68 ».Le ton de ce document est très pessimiste, à la fois en ce qui concerne les intentions du bloc soviétique et la capacité de se défendre  « du monde libre »…NSC-68 donne une image irrémédiablement nocive et destructive du communisme, l’image d’une agressivité sans fin , une agressivité à laquelle les Etats- Unis  ne sont pas en mesure de répondre.NSC-68 recommande 50 milliards de $ pour remédier à cette faiblesse.

En effet, en 1950, les Etats –Unis sont très affaiblis sur le plan militaire. Le nombre des soldats est plus petit qu’il n’était au moment de l’attaque surprises sur Pearl Harbor. La frénésie de démobilisation à la fin de la guerre a touché tous les secteurs. L’armement est vieilli, les programmes d’entraînement retardés, les unités sous-équipées, le budget réduit .On est encore très loin  des 50 milliards prévus par NSC-68…

C’est dans ce contexte qu’à l’aube du 25 juin 1950 les canons Nord-Coréens commencent à cracher le feu. Le barrage d’artillerie est dévastateur et l’armée Nord –Coréenne balaie en quelques heures les faibles forces du régime de Syngman Rhee. Les forces de Kim Il Sung  passent le 38° parallèle et entrent en Corée du Sud.

Les jours qui vont suivre pèseront lourd dans l’Histoire. Le 25 juin, le Conseil de Sécurité des
Nations Unis, en l’absence du délégué russe Yakov Malik, qui boycotte la séance, condamnent l’agression Nord-Coréenne. Le 27 juin, le général Douglas MacArthur, commandant des forces américaines au Japon, reçoit l’ordre de soutenir les forces Sud-Coréennes avec des forces aériennes et navales. Les citoyens américains sont évacués de Corée et la 7-ème Flotte croise au large de Formose. Cette dernière mesure vise autant de prévénir une attaque communiste contre la Chine que d’empêcher Chang Kai Chek de débarquer sur le continent chinois et de recommencer sa guerre contre Mao Tse Tung….Ce n’est vraiment pas le moment…

Le même jour, le 27 juin 1950 , le Conseil de Sécurité prendra une résolution historique, toujours en absence du délégué russe (qui ne sera, donc, pas en  mesure d’y opposer son véto !!). Cette résolution appelle tous les membres des Nations Unies à repousser l’agression Nord Coréenne et de rétablir, par TOUS LES MOYENS à leur disposition la paix dans la péninsule coréenne.

Le 28 juin les troupes Nord-Coréennes pénètrent dans Séoul et le 30 juin le Président Harry Truman autorise donc, sans consultation préalable du Congrès (mais avec son approbation ultérieure) l’intervention des forces terrestres américaines  sur le sol coréen.

Lorsque la crise coréenne éclate les deux composantes de la personnalité de Truman entrent en conflit : d’un côté la détermination, de l’autre côté la prudence. D’une part Truman tremble à l’idée que la  Corée ne soit qu’une diversion et qu’un conflit avec les communistes puisse éclater ailleurs, en Asie ou en Europe, en ce moment si inopportun pour l’Amérique affaiblie sur le plan militaire. Son premier souci est, donc, de prévenir une conflagration mondiale à propos de la Corée. A la question des journalistes « Monsieur le Préddent, sommes-nous en Guerre ? » Truman répond qu’il s’agit seulement d’une SIMPLE OPERATION DE POLICE destinée à repousser un tas de bandits communistes…
La Guerre de Corée est la première guerre onusienne de l’Histoire. Le très égocentrique, voire
égomaniaque héros de la Guerre du Pacifique, Douglas MacArthur, qui se comporte au Japon tel un
Shogun, prendra la tête des forces américano-onusiennes qui débarqueront sur le sol coréen dès juillet 1950. Des forces canadiennes, turques, anglaises, néerlandaises, grecques,colombiennes vont se joindre aux troupes américaines stationnées au Japon. Ces soldats haïssent la Corée. Ils haïssent sa chaleur, l’odeur des engrais humains qui couvrent les champs… Les américains n’ont qu’une idée en tête : que cette « Opéraion de Police » finisse vite, qu’on soit de retour au pays à Noël. (Home by Christmas…) Dans leur pires rêves ils n’imaginent l’enfer qui les attend : un enfer de trois ans et le monde au bord d’une troisième guerre mondiale.

Fin de la deuxième partie. Cette série va comporter 6 articles.Prochain article: Le début de la
mésentente entre le Président Truman et le Général  MacArthur!


Je vous recommande la lecture du livre de Sir Max Hastings , « The Korean War », paru chez Pan Books en 1987 ainsi que la consultation du numéro de mars 2013 de la revue l’Histoire.Je vous reccomande aussi la lecture des mémoires de George F Kennan, "Memoirs, 1925-1950",,parus chez Little et Brown en 1967 ou en paperback chez Bantam 1969: absolument superbe! Un must pour celui qui s'interesse a l'histoire diplomatique américaine!

Elisheva Guggenheim-Mohosh

La guerre de Corée, troisième partie: début de la mésentente Truman-MacArthur!






Au début du mois de décembre 1950 Washington prévient Douglas MacArthur : Oui au harassement de l’ennemi Nord Coréen en déroute, même au-delà du 38° parallèle. Non à un comportement pouvant provoquer une intervention russe ou chinoise dans le conflit. Il ne faut surtout pas perdre de vue – dit Washington – que le port soviétique de Vladivostok n’est qu’à 60 km au Nord-Est de la frontière coréenne!

Et c’est ici que le bât blesse. Il n’y a pas de réelle identité de vue entre le Président Truman et son commandant en Extrème-Orient  au sujet des objectifs fondamentaux de l’intervention américano-onusienne en Corée. Le Président Truman  veut contrer l’expansionnisme russe en
repoussant l’ennemi. Mac Arthur, lui, veut anéantir l’ennemi .Pour ce faire , il  est prêt de porter la guerre au-delà de la frontière coréenne, sur terre chinoise. Ou russe, s’il le faut.

N’a-t-il pas défini le 26 août 1950, dans un discours devant les anciens combattants, la ligne de défense des Etats-Unis  comme «  une ligne  allant de Vladivostok à Singapour » ? N’a-t-il pas déclaré que « seule la maîtrise de cette ligne de défense fera de l’Océan Pacifique un Lac Paisible » (a Peaceful Lake…) ?

Bien sûr, devant le tollé déclenché à Washington MacArthur se rétracte….D’ailleurs, en bon soldat discipliné, ne se rétracte-t-il pas toujours ? Il retire donc tout ce qu’il a dit. Chaque mot
prononcé….APRES leur publication par les journaux.


Truman fulmine et rêve. Faute de pouvoir baîlloner son général encombrant, il rêve de pouvoir le congédier… Un jour….Mais pas maintenant. Pas après la grande victoire du Port d’Inchon, le 15 septembre 1950.


Pour le moment, il s’agit d’aller au devant de MacArthur chez lui, dans son fief du Pacifique. La rencontre Truman-MacArthur a lieu le 15 octobre 1950, sur l’île de Wake. Curieusement, on parle peu du conflit coréen, considéré comme étant- plus ou moins- terminé… On parle du plan de la reconstruction de la Corée en ruines, on parle de l’amélioration du traité de paix avec le Japon, on parle du Pacifique en général. On parle même dune possibilité de redéploiement des troupes ayant combattu en Corée : en Europe, ou ailleurs.

Les craintes du Président Truman à propos d’une éventuelle intervention chinoise ? MacArthur les balaie d’un geste de la main. C’est vrai, le premier octobre 1950 le Premier ministre chinois Chu En Lai a convoqué l’ambassadeur indien et lui a annoncé en termes très clairs que si les forces Sud-Coréennes et américano-onusiennes traversent le 38° parallèle, la Chine entrera dans le conflit. Egalement vrai : New Delhi a transmis ce message à toutes les capitales du monde, Washington en tête. Vrai aussi : les services de renseignement alliés ont averti MacArthur des concentrations suspectes de troupes chinoises en Mandchurie. Mais MacArthur ne croit pas à une intervention chinoise dans le conflit. Ou alors quelques dizaines de milliers d’hommes, peut-être…

Au moment où le général Douglas MacArthur parle ainsi, près d’un quart de million de soldats chinois ont déjà traversé la rivière Yalu et se cachent, disséminés dans les collines Nord-Coréennes. Plus d’un million d’autres soldats chinois se tiennent près sur la rive chinoise du fleuve.

Fin de la troisième partie.

Elisheva Guggenheim-Mohosh


La guerre de Corée, quatrième partie:L'hiver terrible....





Dans notre précédent article nous avons vu la genèse de la mésentente entre le Président Truman et son  subordonné têtu et egocentrique, le général Douglas MacArthur. MacArthur balaie d’un geste de la main les craintes de Truman concernant la possibilité d’une intervention chinoise dans le conflit coréen. Il estime que si intervention il y a, elle se limitera à quelques dizaines de milliers de soldats…


Au moment  où MacArthur parle ainsi (fin 1950) près d’un quart de million de soldats chinois ont déjà traversé la rivière Yalu (la frontière entre la Corée du Nord et la Chine), et se cachent,
disséminés, dans les collines et les montagnes Nord-Coréens. Près d’un million d’autres se tiennent prêts à intervenir, sur la rive chinoise du fleuve.

A 20 000 kilomètres plus loin, à Washington, le Pentagon se range à l’avis de MacArthur, en qualifiant les menaces, pourtant très clairement exprimées, du Premier ministre chinois, Chu En Lai, de « bluff communiste ».Les troupes américano-onusiennes poursuivent les combats  sur tout le territoire Nord-Coréen et chassent l’ennemi jusqu’à la frontière mandchourienne. L’ordre donné est de nettoyer toute la péninsule coréenne des agresseurs communistes. Néanmoins, Washington impose une interdiction formelle de traverser la frontière chinoise, que  ce soit par la voie terrestre ou aérienne ! Même les vols de reconnaissance au dessus de la rivière Yalu sont interdites.

Comme les aveugles dans  un tableau de Pieter Breughel, les troupes de l’ONU avancent…Le paysage est désolé, le pays inhospitalier. L’hiver coréen approche. L’ennemi chinois qui se cache dans les collines sait tout des mouvements des troupes alliées. Les alliées ignorent jusqu’à l’existence de l’ennemi chinois…

Début novembre c’est le choc. Des vagues de soldats chinois déferlent sur une unité américaine  coupée de ses arrières. Même le Pentagon doit se rendre à l’évidence. MacArthur s’est trompé. On est en face d’une attaque massive. On est en face d’un ennemi nouveau et d’une guerre nouvelle : une guerre avec la Chine. La Chine avec ses étendues infinies et ses ressources humaines inépuisables. Et reconnaître enfin que les « Boys » ne seront pas chez eux pour Noël. (« Home by Christmas »…) Que cette guerre sera très longue.

Dès le 6 novembre  MacArthur, très alarmé, demande la levée de l’interdiction de bombarder  la rivière Yalu. On lui donne donc la permission de bombarder les ponts de la rivière Yalu pour interrompre le flux d’hommes et de matériel provenant de Mandchourie. Mais on lui interdit strictement d’atteindre des objectifs se trouvant de l’autre côté du fleuve, sur la rive chinoise, notamment les barrages et les installations hydrauliques. Malgré cette limitation, le 24 novembre 1950 les forces chinoises déclenchent une offensive terrible. Les forces des Nations Unies reculent. Les unités de l’armée Turque protègent leur retraite avec un courage  exemplaire et subissent des pertes considérables.

Côté américain la Première division des Marines  est encerclée et doit être évacuée par mer. Lorsqu’on lui fait remarquer que les Marines reculent, le général Oliver Smith, dans un accès d’humour noir, s’écrie « RETREAT HELL !... I’m just attacking in another direction !! » (Comment ça je recule ? Je ne fais qu’attaquer dans une autre direction…) « Retreat Hell » est devenu une phrase aussi célèbre que le  le fameux « Nuts !!! » (foutaises..) prononcé par le général américain McAuliffe en 1944, durant la Bataille des Ardennes, lorsque les  Allemands lui ont demandé de capituler avec ses forces encerclées à Bastogne.

Fin de la quatrième partie .Prochain article : Truman-MacArthur, le choc final.

Je vous propose de voir le très bon film de Mark Robson , Les Ponts de Toko-Ri, (1954) avec une distribution très brillante : William Holden, Grace Kelly, Mickey Rooney, Fredric March.
Film basé  sur le roman de James Michener, avec d’images de combat remarquables et une réfléxion très désabusée et lucide sur cette Guerre de Corée, que déjà ses contemporains ont surnommée « The Forgotten War » : La guerre oubliée.

Elisheva Guggenheim-Mohosh




La guerre de Corée, cinquième partie: Truman- MacArthur, psychodrame et choc final!




En Corée, comme à Washington, on fête tristement Noël 1950. Le très aimé général Walton Walker s’est tué dans un stupide accident de jeep le 23 décembre. Il est remplacé par le général Matthew Ridgway, qui doit tout de suite faire face à un demi million de soldats chinois qui déferlent sur les troupes américano-onusiennes. Comme si tous les sacrifices de l’année 1950 ne servaient à rien, Séoul tombe une nouvelle fois, le 4 janvier 1951. Donc, c’est le retour à la case départ : celle de juin 1950.

Il est maintenant tout à fait clair que les Etats-Unis se sont fait piéger en provoquant l’intervention chinoise. Et il est également clair que ce n’et plus une guerre qu’on pourra gagner sans y investir des moyens énormes et sans prendre des risques énormes !

De plus, le Président Truman n’est toujours pas libéré de sa peur initiale : a peur que la Corée ne soit qu’une diversion et qu’une attaque communiste de grande envergure se prépare ailleurs. Et si c’était le cas, comment transférer des troupes stationnées en Europe ou en Amérique pour les besoins de la superoffensive  imaginée par Douglas Mac Arthur ?(voir nos précédents articles.) On ne peut, en aucun cas, sacrifier la vie de centaines de milliers de soldats américains pour venir à bout d’une multitude inépuisable de chinois hostiles ! On ne peut pas, non plus, engager les Nations Unies dans une aventure sans fin et sans limites! Déjà, certains gouvernements alliés ont froncé les sourcils lorsque MacArthur a traversé le 38° parallèle. Peu seraient les pays qui suivraient les Etats-Unis dans une guerre à outrance contre la Chine. La Chine soutenue par les armes russes…

Tandis que sur le terrain commence une contre-offensive, menée par Matthew Ridgway, contre-offensive qui repoussera les communistes au Nord du 38° parallèle, le duel verbal entre Washington (Truman) et Tokyo (MacArthur) ne fait que s’exacerber. Peut-être le général Douglas MacArthur ne se rend pas compte combien son comportement est sans précédent. Lui, qui aurait immédiatement mis devant une Cour Martiale n’importe lequel de ses officiers qui se serait permis de donner des conférences de presse pour le critiquer, ne se prive pas de critiquer ouvertement les décisions de son commandant en chef, à savoir le Président des Etats-Unis !

C’est que MacArthur, un des grands vainqueurs de la guerre à outrance, la guerre illimitée que fut la Deuxième Guerre mondiale, est totalement incapable d’imaginer l’usage limité de la force. Cette théorie nouvelle, « à la mode » à Washington, lui semble une théorie fumeuse… « La Guerre Limitée »…Mais qu’est-ce que c’est ?!! L’ennemi est là pour être vaincu, un point, c’est tout ! « IN WAR THERE IS NO SUBSTITUTE FOR VICTORY ! »-« Dans une guerre il n’y a pas de  solution de rechange à a victoire ! »-dira-t-il.

Fin mars 1951, alors que la contre-offensive que mène (sans fanfares !) Matthew Ridgway est en train de réussir, MacArthur sort un chef-d’oeuvre de mépris à l’égard de Washington. IL informe l’ennemi que, malgré les restrictions extravagantes qu’on LUI a imposées, IL a, LUI, fait avancer la situation au point où l’ennemi communiste n’a qu’à déposer les armes. Donc LUI, MacArthur, offre généreusement  au commandant en chef des forces ennemies de négocier  avec lui,sur le champ de bataille,  un accord de  cessez-le-feu. Sinon, SA riposte sera terrible. C’est ce qu’on  lui a enseigné à l’Académie Militaire de West Point ! West  Point , où IL a eu l’honneur d’apprendre le métier de la guerre. Contrairement à d’autres (….), qui n’y sont pas allés…

A Washington, les spéculations vont bon train : »  le petit politicien du Missouri »
  ( entendez par la  le Presdent des États  Unis, Harry S.  Truman ) osera-t-il congédier le “Lion des Philippines”,  le “Héros de Bataan,”, le “ Vainquer du Pacifique”, le “Pacificateur du Japon”?


Il ose.

Le 11 avril, un message est adressé à Douglas MacArthur, à Tokyo .Le texte est le suivant : « C’est avec un profond regret que je dois vous informer que vous êtes démis de vos fonctions de commandant en chef des Forces Alliés en Extrême- Orient .Vous êtes démis de fonctions de  commandant en chef des Forces des Nations Unies en Corée. Le général Matthew Ridgway vous remplacera dans toutes vos fonctions avec effet immédiat.  Je vous autorise de prendre toutes les dispositions pour votre départ vers un lieu de votre choix… »

Signé : Harry S. Truman, Président des Etats-Unis.

Fin de la cinquième partie. Prochain (et dernier) article de la série : « La guerre de Eisenhower!"



Je vous propose de regarder un film, magnifiquement interprété par Gregory Peck, dans le rôle de Douglas MacArthur : « MacArthur,le général rebelle » de Joseph Sargent, sorti en 1977.

Elisheva Guggenheim-Mohosh

La guerre de Corée, sixième partie: La guerre de Eisenhower.



L’onde de choc causée par le limogeage de Douglas MacArthur traverse le continent américain, puis l’Océan Pacifique, pour frapper en plein fout le Japon. Les Japonais, leur empereur en tête, sont douloureusement touchés par la décision de Washington. Sentant l’humiliation terrible de son ancien ennemi, l’empereur Hirohito prend une décision sans précédent : il se rend à la résidence de MacArthur et lui dit adieu en l’accompagnant à sa voiture. A l’aéroport de Tokyo une foule d’un million de japonais acclame le général américain en disgrâce.

A son atterrissage à San Francisco, la nuit, une foule en délire l’accueille .Et la scène se répète à chaque escale, jusqu’à Washington puis à New York, où une foule estimée à sept million de personnes l’acclame ! Truman et le Parti démocrate tremblent : serait-il candidat aux élections prochaines ? Et les gagnera-t-il ?

Mais ce sera un autre général couvert de gloire qui gagnera, au nom du Parti Républicain, les élections présidentielles de novembre 1952 : le général Dwight Einsenhower. Le général Douglas MacArthur disparaîtra de l’arène politique avec cette phrase qui restera, elle, dans l’Histoire : « OLD SOLDIERS NEVER DIE. THEY JUST FADE AWAY »(Les vieux soldats ne meurent jamais : ils s’effacent).

Avec le départ de Douglas MacArthur un vent de soulagement souffle dans les chancelleries européennes et dans les couloirs des Nations Unies. Le danger d’une « guerre à outrance », « une guerre totale », « une déflagration mondiale », « un holocauste nucléaire » s’éloigne. Mais la guerre de Corée, une guerre de positions, une guerre d’usure, la guerre pour gagner une colline par-ci, pour « Pork Chop Hill » ou pour « Heartbreak Ridge », des coins de terre sans véritable importance stratégique, chèrement conquis et sans explication abandonnés, va se poursuivre encore deux années. Et ces deux années de combat vont être parmi les plus stupidement, les plus inutilement meurtrières dans l’histoire des guerres modernes.

Les soldats ne comprennent plus le but de leur combat. Leurs commandants ne savent pas quels sont les véritables objectifs de cette guerre. Les troupes américano-onusiennes haïssent la Corée, son climat aux températures extrêmes, l’odeur des champs fertilisés avec des excréments humains…Ils haïssent aussi les Coréens. Ils les appellent « gooks » (bridés). (Tout ceci ne vous « rappelle » rien ? La Guerre du Vietnam, peut-être ?)

L’opinion publique mondiale les oublie .C’est une guerre à la fois meurtrière et oubliée. Tout le monde serait ravi d’en finir, d’oublier le rêve impossible d’une libération de toute la péninsule coréenne de la domination communiste. Tout ce que l’on veut c’est rétablir le status quo ante. Le status quo d’avant le 25 juin 1950…Or, c’est pratiquement chose faite ! Déjà en printemps 1951 Séoul est libérée à nouveau, et, malgré les offensives communistes extrêmement coûteuses en vies humaines et des contre-offensives onusiennes non moins meurtrières, la ligne de front se situera désormais, grosso modo au nord du 38° parallèle.


En avril 1952 le général Eisenhower entre en scène .Quittant le commandement de l’Otan en Europe, il se présente aux élections présidentielles américaines .Le 23 juin 1951, le délégué soviétique à l’ONU, Yakov Malik, propose un cessez le feu. Des négociations débutent en juillet à Kaesong, s’interrompent pour cause de combats, puis reprennent à Panmunjom. Et durant encore 20 mois, tout en négociant, les hommes vont s’entretuer par milliers, par dizaines de milliers, dans une guerre de tranchées qui n’est pas sans rappeler la Première Guerre mondiale.

Eisenhower prononce dans un discours tenu à Detroit, le 24 octobre 1952 la phrase qui pèsera lourd dans l’Histoire : « I SHALL GO TO KOREA ». J’irai personnellement en Corée pour veiller à ce que cette guerre cesse. 2 semaines après avoir prononcé cette phrase Dwight Eisenhower devient Président des Etats-Unis et le 29 novembre il s’envole vers la Corée.Il visite ses troupes, il visite les MASH, il rend visite au Président sud-coréen Syngman Rhee, homme amère et méfiant, qui sent bien que l’Amérique va abandonner son régime corrompu. Il sent bien qu’on envisage une sort de « Coréanisation du conflit »,un transfert des efforts et des sacrifices vers la Corée du Sud ( semblable à la « vietnamisation » du conflit indochinois, 20 ans plus tard !).

Mais parallèlement à cette intention manifeste de finir les combats, la nouvelle administration américaine sait se faire menaçante .Les négociations à Panmunjom buttent sur la question de l’échange des prisonniers de guerre : les chinois insistent sur le retour de tous les prisonniers chinois et nord-coréens, or 50 000 de ces malheureux refusent catégoriquement de retourner vers les zones sous contrôle communiste. Et les négociateurs des forces alliées refusent de les rapatrier contre leur
volonté. Et la guerre continue, avec la menace américaine de bombarder les territoires au-delà de a sacro-sainte frontière chinoise. (Encore et toujours la rivière Yalu…).Etait-on près d’un bombardement nucléaire de la Chine ? Etait-ce un bluff ? Toujours est-il que les négociations à Panmunjom aboutissent le 27 juillet 1953 :Les Etats-Unis et l’URSS reconnaissent l’existence de deux Corées.

Toutes ces destructions, ces millions de morts,(Chinois, Coréens, Américains, Britanniques,
 Grecs, Turcs, Colombiens....) pour revenir à la case départ : deux pays-frères séparés
 par le 38° parallèle....Et en héritage, une tension permanente, latente ou aiguë , qui peut, en tout moment, dégénérer en conflit ouvert, éventuellement nucléaire ...

Fin de la série consacrée à la Guerre de Corée .(Attention: à cause d'une erreur de manipulation,
la première partie de cette série -"La guerre de Corée: une guerre presqu'oubliée..." va
maintenant suivre)


Elisheva Guggenheim-Mohosh